Halloween aimait bien son prénom. C’était un prénom vraiment étrange, mais il aimait la petite touche d’excentricité et de mystère qu’il lui conférait. Lui-même n’avait rien de particulièrement intéressant, selon sa propre opinion.
En ce jeudi 21 octobre 2017, Halloween ne pensait absolument pas à son prénom. Il marchait dans une rue de Londres par temps humide, en se demandant s’il aurait le temps de visiter la vieille église de St Pancras la semaine suivante.
Il marcha encore un peu, tourna à gauche à York Street et poussa la porte de l’agence.
Il salua Shirley, la réceptionniste, et s’empressa d’aller au vestiaire pour se changer. Il n’était pas vraiment en retard, mais loin d’être en avance.
- Laisse-moi deviner, dit Richard quand il sortit du vestiaire. Tu finissais ta page, et comme d’habitude elle faisait dix lignes.
Hal sourit et s’installe sur le tabouret qu’on lui avait préparé. En réalité, il avait fini sa page, mais se garda bien de le signaler.
Il prit la pose, la modifia légèrement selon les instructions données par le photographe, et se concentra sur le shooting. Une marque de prêt-à-porter voulait qu’il présente quelques pièces de sa collection printemps-été, et il était ravi que ça ait lieu en intérieur. En général, il se gelait en short dans les rues en plein hiver, ou au contraire mourait de chaud en manteau sous des projecteurs par 30°C.
- On a une proposition de Calvin Klein pour toi.
- Je croyais que j’étais trop maigre pour les sous-vêtements ?
- Ca n’a pas l’air de les gêner, mais si tu veux prendre un peu de muscle, ça ne te fera pas de mal.
- Non merci.
Ils passèrent encore une heure à discuter de son emploi du temps et de son organisation, puis Hal ressortit de l’agence. La vieille église de St Pancras avait repris toute sa place dans son esprit.
Il marcha encore un moment, puis passa dans la rue qui représentait le plus grand danger pour lui, à cause d’une petite boutique de livres d’occasion, pourtant sans prétention.
Il savait qu’il aurait dû passer devant le plus vite possible, mais il parvint à se convaincre qu’il devait vérifier qu’il avait refermé sa braguette correctement, par conséquent il s’arrêta devant la vitrine pour s’y refléter.
Hal était grand, mince voire maigre, avec une peau très pâle et des cheveux d’un roux flamboyant. Sa braguette était correctement fermée. Il passa une main dans ses cheveux, rajusta ses lunettes – de grandes lunettes à l’ancienne avec une monture dorée – et s’apprêtait à repartir quand un vieux livre à la couverture en cuir accrocha son regard.
Il essaya de se convaincre qu’il n’entrait que pour jeter un coup d’œil, mais cette fois-ci, ça ne fonctionna pas. Il avait dû se faire le coup un peu trop souvent, présuma-t-il, mais il n’en entra pas moins dans la boutique.
Une chaude odeur de vieux papier envahit ses narines, et il inspira avec délices.
- Mon jeune ami ! s’écria le libraire, un vieil homme chauve et bedonnant aux lunettes en demi-lunes. Ca faisait longtemps que je ne t’avais pas vu !
- C’est-à-dire que j’ai un prêt étudiant sur le dos, dit Hal en riant, et votre boutique ne m’aide pas à économiser.
- Et c’est une bonne nouvelle pour toi ! Je ne connais aucun grand homme qui soit riche, quoiqu’en pensent ces satanés Américains. Installe-toi derrière le comptoir, je vais chercher le thé.
Le comptoir n’avait de comptoir que le nom ; il disparaissait si bien sous les piles de livres qu’il aurait été plus juste de l’appeler mur, refuge ou cabane.
Décidément, Hal adorait cet endroit. Le libraire optimisait au maximum le peu de place dont il disposait, aussi les étagères avaient des airs de labyrinthe, des piles de livres hautes jusqu’au plafond couvraient les rares espaces de mur libres, et il fallait sans cesse faire attention à ne rien faire tomber – particulièrement quand on buvait le thé.
Comments (1)
See all