Soma regarda le soleil étendre ses fins rayons sur la ville de Tokyo qui s'éveillait. Lui ne s'était pas couché et avait encore moins dormi. Le déclic de la porte le sortit de sa rêverie.
Le directeur va vous recevoir Noguro-san, indiqua la voix flûtée de la secrétaire.
- Merci.
Il inclina la tête. A présent il allait falloir être éveillé et persuasif...
Il pénétra dans le bureau et la porte se referma doucement derrière lui. Il salua alors profondément son supérieur. Celui-ci se leva.
- Eh bien Noguro-kun, pourquoi cette visite matinale ?
- Pardonnez-moi de vous importuner ainsi monsieur le directeur mais ce... C'est à propos de votre proposition...
- Ah la France, quel dommage que vous ayez refusé, c'était une très bonne occasion.
- Justement, c'est à ce sujet... Je voudrais solliciter une faveur monsieur le directeur.
- Une faveur ?
Le petit homme haussa un sourcil puis se rassit, indiquant à Soma de faire de même.
- Je vous écoute.
- Monsieur le directeur, débuta Soma ayant soudain égaré tout son discours préparé auparavant, j'ai réfléchi de nouveau et... je serais très honoré si vous me permettiez de prendre en charge ce poste à Paris.
L'homme l'observa, impassible.
- Je croyais que ça vous était impossible.
- C'est vrai mais, disons que la situation a brutalement évolué. Ce qui me retenait ici me presse aujourd'hui d'aller en France.
- C'est donc pour raisons personnelles que vous voulez retourner en France ?
- Non... Si...
Il baissa la tête.
- Quelque chose de grave est arrivé à une personne qui m'est très chère et... je voudrais être là-bas, au cas où. Je me sens en partie responsable. Mais outre ce déplacement, mes problèmes personnels seront sans répercussion sur mon travail.
Il tenta de raffermir sa voix un instant vacillante.
- Au contraire, me plonger et me donner entièrement à cette responsabilité m'aidera à supporter le reste.
- Vous avez refusé cette offre il y a quatre jours, à présent c'est Tsukeda-san qui en est chargé.
- Monsieur le directeur, vous avez dit vous-même que j'étais plus adapté à ce poste. Je connais la France, son système, j'y ai quelques relations. C'est un esprit tellement différent du nôtre, si vous ne saviez qu'il était nécessaire de l'avoir pratiqué vous n'auriez songé à moi ! Tsukeda-san ne connaît pas la France, ni l'occident en général. Si à la réflexion vous me jugez trop jeune, alors faites de moi son assistant, et je saurais vous montrer ce que je vaux.
- Nous n'avons nul besoin de plusieurs personnes.
Soma serra les poings, baissant les yeux. Non... Ce poste à Paris, qu'il avait rejeté car il savait sa présence indésirée là-bas, était à présent son salut. Mais sa décision était prise. Quel qu'en serait le prix, poste ou non, il partirait.
- Vous n'ignorez pas que de toute manière vous serez sous l'autorité de notre responsable français. Travailler en France ne veut pas dire oublier la rigueur et vos actions seront rapportées et jugées comme il se doit.
Soma releva la tête n'osant y croire.
- Monsieur le directeur, si vous me faites confiance je vous jure que vous n'aurez pas à le regretter.
L'homme se leva et Soma se dépêcha de l'imiter.
- Je ne doute pas que vous aurez à cœur de mériter cette faveur qui vous aura été faite aux dépends de votre aîné.
- Monsieur le directeur...
Celui-ci l'arrêta d'un geste.
- Quand pouvez-vous partir ?
Soma hésita un instant.
- A... Si, si je peux abuser une nouvelle fois de votre bonté, monsieur le directeur, j'aimerais partir immédiatement.
Cette fois le directeur eut l'air légèrement surpris, puis le regarda, curieux.
- J'avais pensé, au cas où vous me refuseriez cet honneur de vous représenter en France... Je n'ai jamais pris de jours de congé, et, exceptionnellement... Mais si c'est possible alors autant me mettre à l'œuvre tout de suite, vous-même disiez que c'était urgent. Tout est en ordre ici, j'y veille régulièrement et ai encore vérifié ce matin qu'en cas d'absence mon travail pouvait être aisément repris.
- Et bien, je vois que tout était de toute façon prévu.
- Monsieur...
- Vous ne me semblez pas avoir goûté à beaucoup de repos depuis hier... Tâchez de ménager vos forces car vous allez en avoir besoin à Paris.
Soma s'inclina une nouvelle fois et suivit le petit homme jusqu'à la porte.
- Vous connaissiez les Demondaruboa n'est-ce pas ? Je m'en souviens à présent.
Soma sursauta puis baissa la tête.
- Oui... Je connais Seishi-kun depuis Chûgakkô et ils m’ont accueilli chez eux à mon entrée en daigaku. Ils se sont montrés pour moi d'une grande générosité. Sa voix se brisa à nouveau. Sei... shi-kun, il ajouta précipitamment, était plus qu'un frère pour moi.
Une main ferme lui serra un instant l'épaule.
- Allez... souffla le directeur avant de lui ouvrir la porte. Transmettez-leur mon soutien. Demondaruboa est un homme très honorable, nous avons eu quelques relations.
Soma s’inclina de nouveau plusieurs fois.
- Oui monsieur le directeur. Je suis très honoré de votre confiance, je ne vous décevrai pas. Merci beaucoup...
Le directeur avait appelé la secrétaire et lui enjoignit de veiller à toutes les formalités nécessaires au départ de Soma. Puis il demanda à ce dernier de donner toutes les instructions nécessaires à Yamaguichi, son successeur, avant de retourner dans son bureau où l'attendait son lot d'affaires pressantes.
Soma retourna dans son propre minuscule bureau, mais au moins il avait le luxe d'en avoir un, et se laissa tomber dans le fauteuil.
C'était fait... Il retournait en France, à l'aveuglette, sans point de chute, dans un poste dont il ne connaissait que vaguement la teneur et pour une durée indéterminée... Mais rien de tout cela n'était source de l'angoisse terrible l'étreignant à l'idée de ce qu'il allait y chercher... Et de ce qu'il allait trouver. Il serra le poing. S'il avait pu, il serait déjà dans l'avion... Mais il y serait dans quelques heures et il n'avait même pas vu Tsukeda-san qui, lui, connaissait tous les détails sur le but professionnel de ce départ. Il ne devait pas chômer pour informer et s'informer, et être libre de s'exiler de nouveau.
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