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Ryô effectua enfin le vaccin sans plus de difficulté et en fut chaudement récompensé par la joie et les félicitations de son cobaye et de son instructeur. En fin de compte il se révéla rapidement très doué et d'une grande délicatesse. Il seconda donc efficacement Seishi, ce qui raccourcit significativement la séance de vaccination, et justifia aisément le temps d'apprentissage consenti. Seishi souffla et s'épongea le front.
- Seishi-san, vous n'avez pas arrêté de l'après-midi, je peux finir si vous le désirez, proposa timidement Ryô auprès de lui.
Seishi s'étira et lui sourit.
- Merci, je vais juste faire une petite pause. Il s'arrêta un instant avant d'ajouter. Ryô-kun... Je crois te l'avoir déjà dit mais... Tu peux me tutoyer si tu le désires.
Ryô rougit et baissa la tête.
- Je... Je suis désolé, c'est que je n'ai... pas l'habitude et...
- Bah, fais comme tu le sens après tout, le rassura le médecin. Ça viendra bien un jour... J'espère. Bon, il ne reste plus beaucoup d'enfants à vacciner de toute façon.
- Je n'ai pas vu Sama. Est-elle déjà vaccinée ?
Seishi regarda à quelque distance, montrant l'enfant qui jouait en évitant soigneusement leur regard.
- Non, fit-il, je crois bien que notre petite princesse n'est guère attirée par l'idée d'une piqûre.
- Seishi-san, débuta Ryô en libérant son petit patient, je voulais vous demander si... Est-ce que... Est-ce que Sama va pouvoir guérir totalement ?
Seishi soupira et garda le regard détourné.
- Hélas... Le seul moyen de la guérir réellement serait l'opération, relativement complexe bien que son anomalie ne soit pas parmi les plus graves. Et évidemment c'est inenvisageable ici.
- Mais, supplia Ryô, pour l'instant elle va bien non ? Vous l'avez soignée de ses malaises !
- Ce n'est que temporaire, superficiel. C'est un hasard que j'ai eu ce traitement avec moi. J'en ai ramené de France et je parviens tant bien que mal à nous en faire envoyer mais... notre mission s'achèvera bientôt et je ne sais guère comment continuer à lui faire parvenir le traitement. Cela fait quelques temps maintenant que j'essaie de trouver une solution sans succès... Bon, je vais la chercher pour que l'on puisse ranger tout ça.
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Ryô regarda le médecin s'éloigner la gorge nouée. Il fallait faire quelque chose. Il serra le poing. La mission était bientôt achevée lui avait rappelé Seishi-san. Que se passerait-il alors ? Seishi-san ne paraissait pas envisager de rester seul ici cette fois encore. Une nouvelle sorte d'angoisse s'empara de lui. Ils quitteraient le camp et Sama certes... mais eux... Lui, où irait-il ? Et Seishi-san ? Retournerait-il en France ? Le perdrait-il de vue ?
Seraient-ils séparés et probablement à jamais ? Le coeur de Ryô se révolta. Non ! Seishi-san était la seule personne avec qui il se sentait à l'aise, libre...
Bien, tout simplement. C'était stupide. Il y avait à peine deux ans il ne se souciait de personne, ne dépendait de personne et était fermé à toute émotion...
Et voilà qu'à présent il ne pouvait supporter l'idée de ne plus voir Seishi-san, de ne plus bénéficier de son support rassurant et apaisant. Mais était-ce un mal ? Etait-il vraiment plus heureux avant, certainement pas... Il soupira en observant le médecin convaincre, à force de trésors de patience, Sama de s'approcher de la petite annexe de l'infirmerie. Il ne put empêcher un bâillement.
- Alors, on fatigue le novice ? dit une voix taquine.
Ryô sursauta et releva la tête. Moussah, le jeune aide africain lui sourit largement.
- Vous avez fini ? J'ai vu que tu avais fait un sacré boulot, ça t'a plu ?
- O... Oui... acquiesça Ryô.
Des cris et un bruit de moteur les interrompirent.
Tous deux recherchèrent l'origine de ce vacarme incongru en ce lieu, sans succès. Ryô observa que Seishi-san s'était redressé et maintenait à présent Sama derrière lui, regardant fixement un point que le jeune homme, lui, ne pouvait voir de sa place. Il se tourna vers Ryô et le petit centre, leur intimant l'ordre de ne pas bouger. Ryô se leva, sentant que quelque chose d'anormal était en train de se produire. Ikeda-sensei les dépassa alors pour se diriger vers le médecin, ce qui confirma ses craintes.
Seishi-san tentait de renvoyer Sama vers eux sans succès lorsqu'un 4x4 déboucha près de lui et s'arrêta brutalement. Six hommes sautèrent à terre, dévoilés peu à peu à mesure que le nuage de poussière, témoin de leur arrivée, se dissipait.
Des terroristes rebelles, songea Ryô presque machinalement. Chacun ici connaissait leur existence. Résidus d'indépendantistes et des guerres civiles, ils y avaient jusque-là miraculeusement échappé mais ceux-ci ravageaient sans vergogne le pays. Ryô frissonna, ne pouvant s'empêcher de les rapprocher de gangs qu'il avait autrefois connus. Cette même agressivité, cette même morgue de roquets cachant leur lâcheté... Méprisables...
Ikeda-sensei et Seishi-san tentaient d'opposer leur calme et d'amener un peu de raison dans leurs échanges. Il hésita, sourcils froncés. Il n'aimait pas du tout ces types, certains semblaient particulièrement instables et les armes qu'ils brandissaient ne présageaient rien de bon dans de telles mains. Il allait s'avancer lorsqu'un bras le retint.
- Reste là on t'a dit, viens plutôt nous aider à mettre les gens ici à l'abri, murmura Moussah d'une voix ferme.
- Non, laissez-moi faire, j'ai déjà côtoyé de tels individus et...
- Ne sois pas stupide, tu es plus utile ici à l'abri à essayer d'éloigner tout le monde. Moi aussi je connais ce genre d'énergumènes. Seishi et Yoshio essayent de calmer le jeu mais mieux vaut prendre des précautions.
Ryô jeta un dernier regard avant de suivre Moussah et de diriger les gens encore présents, notamment de nombreux enfants, vers la case d'infirmerie. Il ne put cependant très vite s'empêcher de surveiller du coin de l'oeil Seishi-san et les autres, des éclats de voix commençant à retentir.
- Vous allez nous les donner ou vos protégés vont payer, à commencer par les enfants ! menaça le chef en désignant Sama de son pistolet automatique.
Seishi-san se replaça devant elle en la maintenant en retrait. Ryô cette fois délaissa sa tâche et observa la scène avec une inquiétude toujours grandissante. Ikeda-sensei demeura calme mais inflexible pour la plus grande fureur du groupe armé et de son chef. Un mouvement attira soudain l'attention de Ryô. Un des plus surexcité semblait...
Il va... murmura Ryô avant d'agrandir les yeux de terreur. Seishi-san... Il cria.
- Seishi-san attention !!!!
Il s'élança sans réfléchir, ignorant Moussah qui tentait de le retenir. Le regard de Seishi-san rencontra celui du rebelle une fraction de seconde avant le drame. Tout se passa ensuite comme dans un cauchemar pour Ryô, dont l'esprit n'était plus obsédé que par une chose. Passant outre sa gorge soudainement nouée, il cria encore.
- Seishi-san ! Seishi-saaan !
Sa voix se mêla aux vociférations du terroriste.
- Chiens d'impérialistes blancs arrogants ! Vous allez comprendre qui fait la loi !
Un claquement sec ponctua sa diatribe, paralysant le coeur de Ryô. Seishi-san fit un pas en arrière avec un gémissement muet, fermant les yeux devant un Ikeda-sensei horrifié. Les cris de la petite Sama et des habitants du camp présents couvrirent à leur tour ceux des rebelles.
- Seishi-saaan ! Seishi-saaan !!! hurla Ryô tandis que ce dernier ployait les genoux et s'affaissait lentement.
Il se jeta en avant pour le rattraper. Inconsciemment il entendit une deuxième détonation et vit Ikeda-sensei, qui s'était retourné contre leurs agresseurs, tomber à genoux, se tenant l'épaule. De nouveaux éclats de voix fusèrent, dans un dialecte que Ryô ne comprit pas. Le chef s'en prenait apparemment à ses subordonnés et tentait de reprendre le contrôle. La petite Sama qui s'était précipitée sur Seishi-san avec des plaintes déchirantes empêchait Ryô de vérifier l'état exact du médecin. Ses yeux brouillés par les larmes purent seulement distinguer le sang maculant la main qu'il venait d'ôter de son torse. Une rage incontrôlable s'empara de lui. En une fraction de seconde il bondit sur ses pieds et se jeta sur l'assassin de Seishi-san.
- Omae o korosu ! hurla-t-il.
Une rafale retentit et une douleur fulgurante lui traversa les jambes. Il s'écroula, réussissant à entraîner sa cible avec lui.
Son esprit en furie lui clamait que s'il avait eu un katana ce porc serait déjà en enfer. Il chercha une prise mais ne faisait pas le poids. Un coup à la nuque mit fin au cauchemar.
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