- Veux-tu apprendre ? poursuivit le médecin.
Ryô écarquilla les yeux.
- Faire les injections est très simple, ça pourrait t'être utile. Si ça t'intéresse je peux te montrer.
Ryô ouvrit la bouche mais ne put articuler un mot.
- Tu pourrais même m'aider, sourit à nouveau Seishi-san, encourageant.
- Je... Je... bredouilla Ryô. Non... Je...ne pourrais pas, je... il baissa la tête.
- Bien sûr que tu pourras. Je doute qu'une chose aussi simple ne t'arrête.
- Mais je ne suis pas infirmier, je ne connais rien à...
Seishi-san eut un sourire en coin.
- Evidemment tu n'es pas infirmier. Sinon tu saurais déjà faire ça et n'aurais pas échappé à la B.A. de la journée !
Ryô prit un air pincé.
- Allons Ryô-kun, je t'en prie, je ne demande qu'à t'apprendre. C'est idiot que l'on ait recours à toi que pour les corvées. Quoique tu en dises, tu aimes t'occuper des autres. Si tu le veux, tu pourrais te charger des enfants, tu as le don pour ça.
Ryô détourna la tête, se détendant lentement.
- Personne n'accepterait que je fasse une telle chose et c'est normal.
Seishi-san secoua doucement la tête.
- Bien des gens n'appartenant pas au corps médical peuvent prodiguer des soins minima et essentiels. Il suffit d'avoir reçu la formation adéquate. C'est à moi de juger ce qui est bon ou non. Il faut être efficace. Et puis, si auprès de quelqu'un qu'ils connaissent et apprécient ces séances peuvent être plus tolérables, il n'y a pas de doute à avoir.
Il se détourna un instant pour boire une gorgée d'eau. L'espace d'une seconde Ryô put lire une expression exténuée sur son visage. Mais c'est avec le sourire que le médecin regarda à nouveau le jeune homme.
- Je ne te force pas. C'était juste une proposition pour te changer un peu si tu en avais eu assez. On peut aussi demander à quelqu’un d’autre de t’apprendre, ajouta-t-il soudain, presque gêné.
- Non je... débuta Ryô précipitamment.
Seishi sortit une petite fiole de l'enceinte réfrigérée, semblant attendre la suite.
- Enfin je veux dire... les questions et réflexions se bousculaient à l'esprit de Ryô, si... Si vous pensez vraiment...
- Je t'ai déjà dit que tu en étais capable. Ecoute, dans un premier temps de toute manière tu n'auras qu'à observer. Par la suite si tu le désires tu pourras essayer... Nous chercherons des volontaires, nous n'imposerons rien si ça te rassure.
Le jeune homme acquiesça puis, sur les conseils du médecin, alla chercher un tabouret pour être plus à l'aise. Celui-ci avait déjà accueilli un autre patient. Pendant un long moment Ryô observa scrupuleusement Seishi-san, la voix douce expliquant avec patience et simplicité, le conduisant dans une transe presque hypnotique de laquelle il témoignait seulement sa compréhension lorsque celui-ci l'interrogeait.
- … aller Ryô-kun ?
- Comment ? sursauta ce dernier.
- Je te demande si tu te sens de taille à te lancer à présent, répéta le médecin.
- Me… Maintenant ? Ryô déglutit péniblement.
Il pensait avoir compris, avec Seishi-san cela paraissait simple mais… Le médecin, lui, échangea quelques mots avec le jeune homme qui devait être le prochain patient puis revint à lui.
- Tu vois, Maoni est d'accord pour te servir de cobaye, plaisanta-t-il avant de se lever. Allez, prend ma place.
Ryô prit son courage à deux mains et s'installa comme le lui indiquait Seishi-san. Il ne le décevrait pas. Il leva les yeux vers Maoni qui le rassura d'un grand sourire.
- Allez, l'encouragea-t-il, n'ayez pas peur Ryô, je suis solide vous pouvez y aller sans hésiter.
Ryô esquissa un inhabituel sourire puis chercha une fiole de vaccin dans le bac. Ceci fait, il prit une seringue et regarda Seishi-san.
- Mmm… approuva celui-ci. Maintenant il faut que tu emplisses la seringue jetable.
S'efforçant de maîtriser sa nervosité Ryô appuya la pointe sur le bouchon caoutchouté puis après avoir vérifié d'un regard l'approbation du médecin perça et aspira le liquide et vérifia qu’il n’y avait pas de bulles.
- Bon, constata Seishi-san, passons aux choses sérieuses.
Ryô inspira profondément. Après tout ce n'était pas si terrible hein, et Seishi-san était tout près pour surveiller et prévenir toute erreur… Mais dieu qu'il détestait être examiné ainsi ! Fronçant les sourcils il prit le bras de Maoni.
- Héla, intervint Seishi-san en posant une main sur son bras, ce qui manqua de le faire sursauter, ma parole, détends-toi un peu ou tu vas paniquer tout le monde.
Ryô se sentit rougir et releva les yeux vers Maoni qui retenait un petit rire.
- Peu de gens aiment les piqûres alors mieux vaut leur donner confiance, poursuivit le médecin, reste sûr de toi et efficace.
Ryô souffla de nouveau. Assuré et efficace, il en avait de bonnes lui… Peut-être aurait-il dû s'entraîner sur des poupées avant ou quoique ce soit mais d'inerte ! L'agacement le gagna. Oh mais il allait voir… Il se prépara de nouveau et se concentra en essayent de mimer précisément les gestes qu'il avait vu Seishi-san accomplir avec tant de maîtrise… et d'automatisme. Alors qu'il allait introduire l'aiguille sous la peau, la main de Seishi-san l'arrêta de nouveau.
- C'est bien mais si tu diriges ton aiguille selon cet angle tu risques de plus faire souffrir ton patient. Tu vois pour espérer que ce soit le plus indolore possible, bien évidemment ce n'est pas toujours réalisable, tu dois te mettre plutôt ainsi.
Ryô hocha la tête et essaya de reproduire le geste conseillé par le médecin.
- Ainsi ? demanda-t-il.
- Presque mais… Seishi-san commença à rectifier son mouvement puis se ravisa. Attends, lui enjoignit-il.
Sous le regard interrogateur de Ryô, le médecin se leva et, soulevant son tabouret, le plaça derrière celui-ci. Les yeux de Ryô s'agrandirent. Seishi-san lui fit reprendre sa position. Ryô avala difficilement la boule qui se formait dans sa gorge en sentant le médecin l'encercler par l'arrière pour prendre ses mains.
- Tu vois, entendit-il Seishi-san expliquer en le guidant, procède plutôt ainsi…
Il ne parvint pas à saisir le reste des paroles du médecin. Il sentait son cœur s'emballer dangereusement, ses pulsations battant à son oreille masquant la voix douce du médecin dont il ne pouvait sentir que le souffle dans son cou.
~
Seishi sentit le corps contre lui se raidir soudain. Baissant les yeux il se rendit compte que Ryô s'était mis à haleter.
- Ryô ? interrogea-t-il, surpris, Ryô-kun quelque chose ne va pas ?
Celui-ci ferma les yeux.
- Non… Je… balbutia-t-il d'une voix serrée.
Les mains que tenait Seishi tremblaient légèrement, moites. Il le relâcha alors soudain et s'écarta. Zut pas encore, quel idiot je fais !!!
- Oh pardon ! J'avais oublié, je suis désolé je ne voulais pas…
Ryô secoua la tête.
- N… Non c'est ma faute. Pardonnez-moi je… Je suis trop stupide !! s'écria-t-il.
- Ryô-kun… débuta Seishi hébété.
Il fit un petit signe à Maoni qui, ne les comprenant pas, paraissait perplexe.
- Oublions cela, reprit-il d'une voix apaisante, tu n'étais pas obligé de le faire si tu ne le voulais pas. Il se releva. Je te l'ai déjà dit tu ne dois pas hésiter à me dire ou me rappeler à l'ordre si je te mets mal à l'aise.
Ryô se leva à son tour, tendu, bras et poings serrés le long du corps.
- Non je vous en prie, je veux le faire, j'y arriverai… S'il vous plaît…
- Ryô-kun !
La détresse du jeune homme le déstabilisait, il ne comprenait pas ce qui le troublait ainsi. Il soupira puis posa une main ferme sur l'épaule du jeune homme.
- Je n'ai jamais dit que tu n'y arriverais pas, j'ignore ce qui t'a gêné ainsi mais enfin il faut que tu conserves plus de calme. Tes gestes doivent être naturels, comme en karaté malgré la concentration constante. Si tu ne te sens pas prêt tu arrêtes. Mais si tu le désires, nous reprenons et tu ne fais pas toute une montagne parce que je ne voudrais pas être à la place de ce pauvre Maoni qui attends son supplice depuis tout à l'heure et le vaccin ne va pas résister longtemps à la chaleur.
Le jeune homme sursauta et regarda le jeune africain, rouge de honte.
- Je suis désolé Maoni, je me suis conduit stupidement, s'excusa-t-il dans la langue locale. Je… Peut-être vaut-il mieux que je laisse Seishi-san s'occuper de toi, je t'ai suffisamment ennuyé comme ça.
- Tu ne veux plus apprendre pour aider le docteur ? interrogea celui-ci.
- Si… Si bien sûr, nia vigoureusement Ryô, mais…
- Bon alors, puisque je suis là, profites-en avant que tout le monde ne s'enfuie désespéré. Tant qu'à faire avoir attendu j'aimerais que ce soit utile !
- Merci, s'inclina le jeune homme.
- Allez, reprit Seishi d'une voix encourageante. Reprenons au début, et plus de chichi. Ce n'est pas le bout du monde tu vas voir.
Ryô acquiesça.
- Oui Seishi-san. Je ne vous décevrai pas cette fois.
- Oh Ryô-kun, ce n'est pas pour…
Il abandonna ses protestations, le jeune homme avait déjà repris sa place et semblait fermement décidé. Au diable, songea-t-il, il renonçait à comprendre mais dans l'immédiat il devait aider son « disciple ».
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